« Les fantômes des années 30 » sont des portraits de personnes qui ont souffert des répressions de Staline et de la famine des années 1932-1933. Ce sont les visages des gens qui nous regardent de cette époque effrayante. Certains visages sont des paraphrases de portraits de style « héroïque » typiques de cette époque de régime totalitaire quand il y avait des « Planches d’honneur », les autres sont comme des photos jaunies d’archives familiales suspendues sur les murs d’une maison de campagne en forme d’iconostase. Chaque portrait a son histoire : un prêtre fusillé, un directeur de kolkhoze, une trayeuse, un chef d’une cellule de komsomol, un pionnier avec son geste de bras symbolique qui a dénoncé au KGB ses parents « koulaks » (grand propriétaire de terres agricoles), à coté d’eux un « komissar » (chef d’une cellule révolutionnaire) tué par des paysans affamés ; un berger condamné pour la cueillette des épis restés sur un champ après le récolte d’un kolkhoze, une femme cannibale qui a tué sa mère.
La valeur documentaire de ces portraits est indéniable. Mais ce projet ne se réduit pas à une simple série de photos documentaires. C’est une imitation artistique d’une série de faits réels qui dirige le spectateur vers une sphère de peur présente dans la mémoire génétique mais où les faits réels passés ne font plus peur. Pénétrez là où seul le mythe règne aujourd’hui…
De mon point de vue, un cliché photographique est un produit semi-fini. En utilisant un schéma de traitement complexe, je transforme une image réelle dans un tableau épique. C’est pour cela que mes photos portent notamment des égratignures qui sont des empreintes d’étoiles filantes symbolisant les millions des morts de cette époque atroce.
